Prix Wolinski de la BD du "Point" 2021 : "Le Tambour de la Moskova" !

Prix Wolinski de la BD du "Point" 2021 : "Le Tambour de la Moskova" !

Le jury du Prix Wolinski de la BD du Point a désigné hier soir mercredi 17 novembre 2021, Simon Spruyt lauréat du prix pour son album Le Tambour de la Moskova 🥳🥂

« Il y a quelque chose de stendhalien dans ce "Tambour" »

Tous les grands noms de la BD Zeina Abirached, Albert Algoud, Ugo Bienvenu, Florence Cestac, Philippe Druillet, Jul, Catherine Meurisse, Bastien Vivès, Zanzim (lauréat 2020) les journalistes du Point Jacques Dupont, Romain Brethes, et Christophe Ono-dit-Biot, directeur adjoint de la rédaction, s’étaient réunis autour de Maryse Wolinski, la Présidente du jury, et Natacha Wolinski pour établir la sélection finale de l’édition 2021 :
• Le Fil d’Ariane, Najda (Actes Sud BD )
• Olympia Kuklos (volume 1) Mari Yamazaki (Casterman)
• La Part merveilleuse (volume 1), Ruppert et Mulot (Dargaud )
• Les Amants d’Hérouville, Le Quellec et Ronzeau (Delcourt)
• Madeleine, Résistante (volume1), Bertail, Morvan et Riffaud (Dupuis)
• Le Tambour de la Moskova, Simon Spruyt (Le Lombard)

« « Le Tambour de la Moskova », vu pour « Le Point » par Zanzim. »

L'article complet du "Point"

« Il y a quelque chose de stendhalien dans ce "Tambour" », lançait l'auteur-dessinateur Ugo Bienvenu, nouveau membre du jury, songeur et emballé devant les magnifiques pastels du dessinateur belge Simon Spruyt, né en 1978. Le Tambour de la Moskova retrace en effet les pérégrinations en forme de roman d'initiation de Vincent Bosse, jeune soldat au visage d'ange et de porcelaine, égaré dans les tumultes de la campagne de Russie.

Comme Fabrice dans La Chartreuse de Parme, Vincent, dès l'ouverture de l'album, voit en effet le feu à la bataille de Borodino, appelée aussi bataille… de la Moskova , la plus sanglante de cette folle épopée dans la Russie d'Alexandre Ier. Le découpage de Spruyt, dans cette première séquence où les cases disparaissent et le chaos bouleverse tout, fait surgir comme par magie, du silence des pages, le bruit et la fureur des combats.

C'est alors l'ombre de Tolstoï (Vincent Bosse est un authentique personnage, certes secondaire, de Guerre et Paix) qui prend le relais de celle de Stendhal et imprègne le récit de la vie de Vincent, installé en Russie et devenu un vieux moujik cinquante ans après le désastre de la guerre patriotique de 1812.

Dans la bouche de Vincent, qui raconte son histoire à un mystérieux interlocuteur, les grognards ne sont plus que de dérisoires soldats de plomb, silhouettes fragiles et guettées par les redoutables cosaques, mais encore agitées de frénésie destructrice et galvanisées par les épiphanies régulières de l'Empereur - Vincent n'est-il pas convaincu que c'est à lui seul que Napoléon sourit quand il croise son regard ?

La folie qui s'empare des acteurs de ce désastre prend alors le visage d'un tambour-major qui tient à emporter, dans son repli vers Smolensk, la totalité de la bibliothèque abandonnée par les propriétaires d'une maison de maître.

Simon Spruyt possède le talent rare de donner une âme à ses planches, fruit de l'association entre une technique artisanale (le dessin, au fusain, est ensuite recouvert de couleurs directes à la gouache) et une autre, plus au goût du jour (les planches sont complétées à la palette graphique).

On perçoit parfois l'influence de l'immense dessinateur argentin Alberto Breccia, visible dans les masques de mort que croise l'innocent Vincent, ou dans l'usage d'un sfumato qui enveloppe aussi bien les forêts désolées que les champs de bataille incandescents ou les bucoliques campagnes russes.

Brillant metteur en scène
de cet étourdissant ballet accessible à toutes et à tous, le nouveau prix Wolinski de la BD du Point est de la trempe des très grands.